La grande peur dans la montagne
M. Bueche – culture et environnement
Dans son roman, C.F. Ramuz évoque l’histoire d’un alpage soumis à un mauvais sort, à tel point que les pâturages sont délaissés. Une crainte superstitieuse s’empare des habitants. Toutefois, de jeunes bergers courageux investissent les lieux…
Pourtant, en un autre endroit, deux catastrophes géologiques majeures, et qui n’ont rien de surnaturelles détruisent, le site de Derborence. La légende dit que sur la falaise des Diablerets, le Diable joue aux quilles avec sa femme et ses enfants et le 24 juin 1714, quelques blocs s’abattent sur la forêt de l’Ecorcha !… Trois mois plus tard, un gigantesque éboulement écrase le hameau. Des blocs de calcaires gros comme des maisons recouvrent les chalets, les granges et la chapelle, ainsi que trois vastes pâturages et leurs occupants : vaches, moutons, chèvres et porcs. Côté humains, on compte 15 disparus.
Trente-cinq plus tard, en 1749, des chutes de pierre annoncent une nouvelle catastrophe, ce qui permet d’évacuer le site, seuls quelques mayens sont détruits, mais aucune victime.
Les causes de ces événements sont parfaitement naturelles. Elles sont liées à la géologie du massif des Diablerets constitué d’une alternance de bancs calcaires très durs, entre lesquels s’intercalent des grès et de l’argile, favorables au décollement des roches dures. La forêt de l’Ecorcha, dévastée renaît de ses ruines : blocs, graviers, souches et troncs arrachés. En quelques siècles, un boisement nouveau se constitue. Profitant de l’occasion, les instances forestières décident d’en faire un ensemble vierge, c’est-à-dire sans intervention d’aucune sorte et strictement protégé. Ce massif de 250 ha, peuplé de sapins, de mélèzes, de bouleaux et d’aulnes, constitue l’une des 3 forêts vierges de Suisse. L’une est située dans le canton de Schwytz : au Bödemerenwald dans le Muotatal et l’autre dans le Randen schaffousois.
En guise d’épilogue, ces catastrophes géologiques majeures sont parfaitement naturelles et sont à l’origine du paysage alpin que nous connaissons ; elles ont lieu plus ou moins périodiquement, sans que l’on puisse en déterminer la fréquence. Comme phénomènes naturels, on peut citer les éboulements historiques de Goldau en 1806, d’Elm en 1881 ou plus récemment de Randa en 1991.
Aujourd’hui, avec le réchauffement climatique, on peut s’attendre à une recrudescence d’événements, dont les causes ne sont plus tout à fait naturelles : glissements de terrain par disparition du permafrost, laves torrentielles ou inondations : les plus récents étant ceux de Gondo au Simplon ou de Bondo au pied du Pizo Cengalo dans le val Bregaglia.