Würm – Riss ?… des articles de pêche à la ligne ?
Par M. Bueche, culture et environnement
Ce début de saison est plutôt curieux : la température joue au yo-yo, pluie-neige, neige-pluie… Ce n’est pas terrible pour nos projets de sorties hivernales.
Dans le passé, au quaternaire, les choses semblaient beaucoup plus claires.
Par exemple, il y a 150 mille ans, Météo-suisse aurait pu annoncer : 800 m d’épaisseur de glace sur le lac de Bienne, de quoi réjouir les patineurs, retrait de la glace dans 20 mille ans; on est prié de tester l’épaisseur de la glace avant de s’aventurer sur le lac !
Plus sérieusement, à cette époque, d’importantes fluctuations climatiques, dont on ne connaît pas exactement la cause (légère inclinaison de l’axe de la terre ?), ont abaissé la température moyenne de 10°C. De ce fait, de gigantesques glaciers ont recouvert le N des Alpes, dont on retrouve actuellement des traces. Cette époque a été marquée par une alternance d’extension et de retrait de la glace, laissant sur le terrain une multitude de témoins sous forme de fossés, de blocs, de graviers ou de poussière.
Ainsi, les observations ont permis de déterminer deux périodes majeures des dernières glaciations : la première, le Riss, s’étendant de 250-130 mille ans et la dernière, le Würm, 115-16 mille ans. Toutes deux ont été marquées par de courtes périodes de retrait (quelques milliers d’années).
Il est intéressant de noter que dans notre région, lors de la forte extension du Riss, le glacier du Rhône est venu butter sur les contreforts du Jura jusqu’à 800 m d’altitude et s’est étendu jusqu’à Liestal, laissant derrière lui de profonds fossés, orienté en N-E selon le sens d’écoulement de la glace. Au retrait, ces derniers se sont remplis d’eau, formant les 3 lacs actuels : Neuchâtel, Morat et Bienne.
Le long de la chaîne du lac, par exemple, de gros blocs témoignent de ce phénomène : les blocs erratiques répertoriés et signalés sur la carte topographique au 1 : 25000 (Err.bl. ou Bl.err.).
Les plus imposants peuvent être observés le long de la chaîne du lac : Sidenbuus sur Bienne, Holestei près de Gaicht, La Main sur La Neuveville ou encore Pierre-à-Bot sur Neuchâtel. D’autres se retrouvent à basse altitude, comme la fameuse Pierre-aux-Sarrazins au S de Bienne, le Tüfelsburdi au Jolimont ou les blocs abandonnés dans une gravière à Lyss. L’analyse géologique permet de déterminer leur provenance : ceux de Lyss proviendraient de la région de Zermatt et du Mt Blanc !
Au cours de l’histoire, ces blocs ont toujours intrigués les hommes. Certaines civilisations les ont utilisés comme lieu de culte : ce serait l’origine des blocs à cupules, ces petites cavités circulaires, taillées de main d’homme. On en trouve dans la forêt au S de Lüscherz et également au N de Bevaix.
Dans quelques milliers d’années, les archéologues pourraient à leur tour être intrigués par des traces de poudre blanche, ainsi qu’une curieuse patine noircie sur les flancs de certains blocs et au sol des restes de nattes plastifiées. Quelle pouvait bien être la religion de ces habitants des années 2000 ?
D’autre part, ces retraits glaciaires ont laissés d’autres indices moins évidents, ce sont des dépôts de galets et de matériaux plus fins d’origine alpine, soit des restes de moraines (Crêt de Neuchâtel à Orvin), soit des bancs de gravier remaniés par l’écoulement des eaux de surface (le fluvio-glaciaire). On retrouve également des limons éoliens riches en quartz, emportés par les vents et déposés sur le N de l’Europe en couches épaisses (le loess). Certains de ces limons sont reconnaissables dans les combes des sols de Chasseral.
A noter pour terminer, que la glaciation du Würm, de plus faible extension, s’est arrêtée au S-O de Neuchâtel et n’a laissé que peu de témoins dans notre région. Les blocs erratiques de Pierre-à-Bot et de La Main sont probablement d’origine würmienne.